Aujourd’hui, j’ai envie de vous partager une entrée de mon journal d’écriture, qui date du 12 novembre 2018. J’y réfléchissais autour du « Show, don’t tell », ce conseil d’écriture si souvent répété qu’il en est presque devenu une règle d’or de la narration moderne, et de la révélation que je venais d’avoir à propos de ce concept.

Mais pour celleux qui ne seraient pas encore familier.es avec cette technique, je vais d’abord commencer par de petites explications. (Vous pouvez aller directement au cœur de l’article en cliquant ici.)

 

Brève présentation du Show, don’t tell

 

Le Show, don’t tell (« Montrez, ne dites pas ») est une technique pour travailler son style d’écriture.

La citation que vous retrouverez le plus souvent concernant ce conseil est soi-disant de l’écrivain russe Anton Checkov (même s’il semblerait qu’il ne l’ait jamais énoncée ainsi) : « Ne me dites pas que la lune brille ; Montrez-moi le reflet de sa lumière sur un morceau de verre brisé. »

« Montre-moi des pages, tu n’auras pas besoin de me dire que c’est un livre. » (Crédit photo Damien Vivet @dam.viv)

L’idée du « Show, don’t tell » est donc de faire comprendre de manière indirecte quelque chose.

En tant que jeune autrice, je pensais que le but était de rendre une scène plus vivante. En un sens, c’est vrai, mais par la suite j’ai compris que ce qu’on cherchait vraiment, c’était une meilleure immersion de lae lecteurice. Que ce soit par une description sensorielle ou en les mettant dans la peau d’un personnage, si j’applique le Show, don’t tell c’est pour éveiller une représentation mentale dans l’esprit de mes lecteurices. Qu’iels ne soient plus simplement en train de lire, mais qu’iels soient plongé.es dans mon monde et mon histoire.

Voici un petit exemple, tiré de mon roman « Byakko – Loving Tiger » :

Show : « Une brusque montée d’adrénaline brûla les veines d’Elizabeth. Elle songea aux cours de jûjutsu de Mitsuaki. En cet instant, elle aurait aimé avoir dix ans de pratique derrière elle. Elle essaya d’étudier les options qui s’offraient à elle, mais elles étaient bien trop réduites à son goût. Les six hommes s’étaient déployés pour lui barrer le chemin, la piégeant contre le mur du cimetière. Elle pouvait tenter de crier, mais les premières maisons étaient loin. Et quelque chose lui disait qu’on la ferait taire très vite. Avec des gestes lents, elle laissa son vélo et son sac glisser au sol, puis se redressa. »

En Tell, cela aurait pu donner : « Les six hommes l’avaient piégée contre le mur du cimetière. Elle avait peur, mais elle était décidée à ne pas se laisser faire. »

Je suis encore loin d’être une experte du « Show, don’t tell » (je suis certaine que l’exemple ci-dessus pourrait encore être amélioré). Trouver le bon équilibre, savoir évoquer avec justesse et efficacité, savoir aussi quand il vaut mieux rester sur du tell plutôt que sur du show, prendre conscience du tell caché ou redondant avec le show, etc. Tout ça reste un vaste sujet de réflexion et de travail pour moi, et ça méritera plus d’un article. Mais aujourd’hui, je vous propose de nous concentrer sur une manière de rendre le show plus subtil.

 

Le Show, don’t tell, c’est l’art des indices

 

Voici ce que je notais dans mon journal d’écriture fin 2018 :

Petite révélation du matin, alors que je réfléchissais à la nécessité de laisser la place aux lecteurs de s’imaginer les choses et de tirer leurs propres conclusions (ce qui est un sujet plus vaste sur lequel je réfléchis depuis un petit moment).

Quand on prend le « Show, don’t tell » à la lettre, c’est-à-dire « Montrez, ne dites pas », la technique qui vient en tête pour y parvenir, c’est la suggestion. Très classiquement, au lieu de dire qu’un personnage est terrifié, vous le montrerez tremblant, transpirant, incapable d’agir.

Ce n’est pas faux de faire ainsi. Mais on peut vite tomber dans un manque de subtilité (en tout cas, c’est mon cas…).

Et qui dit manque de subtilité, dit qu’on ne laisse plus sa place au lecteur.

En repensant à Byakko, je me suis pourtant rendu compte qu’il y avait des moments où j’arrivais à faire dans plus de subtilité : c’était quand je ne voulais pas dire clairement les choses au lecteur (notamment concernant les liens entre Aki, Toroki et Amefuri, ou le passé de Lizzie), mais que je voulais tout de même laisser des indices au lecteur.

Là où je manque de subtilité, c’est quand je veux juste remplacer du tell par du show. À ce moment-là, je veux que mon lecteur comprenne, et je me retrouve donc à en faire trois tonnes dans la suggestion pour être certaine que le message passe.

D’où mon épiphanie du jour « Le show don’t tell, c’est l’art des indices ».

Je suis convaincue que je vais gagner en subtilité si je ne réfléchis plus en termes de suggestion, mais en termes d’indices à donner au lecteur. Il me parait bien plus facile de déterminer quels indices sont les plus pertinents, et à partir de quel moment j’en ai donné assez pour que le lecteur comprenne ce que je veux lui dire.

Ces réflexions rejoignent aussi ce qu’Elizabeth George explique dans son livre « Mes secrets d’écrivains ». Le show don’t tell ne s’applique pas qu’à l’état (physique ou émotionnel) des personnages, bien que ce soit généralement le premier aspect qu’on signale aux jeunes auteurs. J’adore l’exercice qu’elle cite : décrire un frigo au travers des yeux d’un personnage, puis recommencer avec le personnage suivant. Même si on ne cherche pas à faire passer d’informations sur ce personnage au travers de cette description (et, en fait, il vaut mieux ne pas le faire si on ne veut pas perdre en subtilité), ce qu’on va écrire sera forcément empreint de la personnalité, du background et de l’état d’esprit à l’instant T du personnage.

Et ça contribuera donc à peindre un peu plus dans l’esprit du lecteur le tableau que constitue le personnage. À condition de savoir sélectionner les détails les plus pertinents.

C’est ça, le show.

En relisant cette entrée de mon journal d’écriture, j’ai été frappée de voir à quel point j’en pensais encore chaque mot aujourd’hui. À quel point aussi cette révélation m’avait permis de progresser dans mon écriture. Et à quel point il était bon que je me la remémore, parce que je suis encore bien loin de maîtriser avec régularité l’art subtil et délicat du « Show, don’t tell ». ^^

Je vous donne rendez-vous au prochain article pour un nouveau bout de chemin à arpenter ensemble.

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